La signification d’un nom de famille expliquée par une vieille légende orale du 9e siècle
Il est souvent difficile de comprendre la signification de son nom de famille car c’est au 10e siècle que le processus de création des noms de famille s’amorce, les homonymes étant devenus nombreux. Au 15e siècle, les noms de familles commencent à être fixés définitivement. Louis XI interdit même de changer de nom sans autorisation royale en 1474. Comprendre son nom de famille et trouver le tout premier ancêtre porteur de son nom en tenant compte de l’époque est donc impossible car les registres paroissiaux ne remontent pas avant le 16e siècle.
La plupart des recherches sur Internet sur les noms de familles restent souvent vague. Pour étudier un nom de famille il faut déjà trouver le lieu où vivait l’ancêtre le plus lointain car un même nom de famille n’a sans doute pas la même signification au Nord ou au Sud de la France et suivant l’époque, la signification peut évoluer.
Lorsque je cherche la signification du nom de famille Digard sur Geneanet, je trouve ceci :
Rencontré dans l’Allier et dans la Manche, le nom signifiait en ancien français « éperon » (écrit « digart », étymologie incertaine). Plus généralement, il semble désigner celui qui pique, peut-être un personnage moqueur, sens attesté en Normandie selon M.-T. Morlet. A noter qu’un hameau du Calvados s’appelle le Digard (commune de La Villette). »
Un éperon pourquoi pas, mais celui qui « pique », j’ai du mal à comprendre. Je préfère largement l’explication que donne cette vieille légende locale et orale du Cotentin :
Ce que Dieu garde est bien gardé, ce que Di gard est bien gardé, dieu te garde !
Comment on en arrivé à une telle définition ? C’est Ragonde qui va nous expliquer :
En lisant le livre une famille Normande à travers 1000 ans de Noël Langlois je suis tombé sur un aperçu de cette légende orale qui semble avoir traversé les siècles. Cette légende celle du château de Mont-Haguez raconte entre autre comment le nom de famille Digard à été « inventé », la famille Digard qui fait parti de ma famille proche est originaire du village de St Germain des Vaux (50).
Voici le récit de Louis Thomas Lucien Ragonde, un écrivain journaliste du début du 19e siècle qui formalisa par écrit une vieille histoire orale et locale de la légende du château de Mont Haguez aujourd’hui disparu situé à St Germain des Vaux dans la Hague. Ses écrits furent publiés en 1835 dans les mémoires de la société académique de Cherbourg.
Ragonde commence ses écrits par Saint Germain des Vaux où naguère on pouvait encore voir les vestiges de solides murailles d’un château qui devait s’élever à cet endroit (un fossé profond et large subsiste ainsi que quelques débris informe et muets). Dans le roman du duc Rou (Roll ou Rollon) du chanoine Robert Wace, celui-ci raconte que le château de Mont – Haguez a été détruit par Hasting et son compagnon Beier, à la côte de fer, vers le milieu du 9e siècle. Ces derniers ont incendié également Cherbourg vers l’an 851.
Les Normands ont débarqué avec leurs drakkars dans l’anse de St Martin, dans la Hague et l’anse des Veys, (confluent et embouchure de la Vire et de la Taute près de Carentan).
La légende que décrit Ragonde a été conservée par tradition dans quelques familles de la Hague semble concorder avec le récit du poète historien Robert Wace des ducs de Normandie de l’époque de Rollon, des vikings à la bataille de Tinchebray en 1106.
Au 9e siècle, dans le nord de la France, on vit s’élever dans le nord de la France surtout, ces vastes et redoutables forteresses que le génie prévoyant Charlemagne voulait opposer aux ravages peuplades du Nord, les Scandinaves. Ces châteaux ont été confiés à la garde des comtes et des barons de l’empire Français afin de protéger les habitants.
Selon la légende c’est à cette époque que le château de Mont Haguez fut construit, c’est-à-dire, des monts de la Hague. Les Scandinaves attaquant la côte de la Hague et n’ayant pas l’espoir d’y faire un riche butin face aux forteresses de la Hague, finirent même par faire une trêve avec le comte sire Roland de Mont haguez et les habitants du pays. Ceux-ci laissèrent même les Scandinaves chercher un abri dans leurs petits havres contre les fureurs de la mer et les dangers d’une côte féconde en naufrages.
Le débarquement d’une flottille Danoise commandé par le jeune Moeren…
Parmi les flottilles scandinaves que les vents violents de la côte forcèrent d’aborder sur les côtes de la Hague, un jeune prince danois nommé Moeren fut reçu par le comte sire Roland de Mont – Haguez lui-même. La belle physionomie du jeune Moeren, sa naissance illustre, ses manières distinguées, sa douceur contrastant avec la noble fierté que lui inspirait sa profession, et toutes ces belles qualités rehaussées par l’attrait séducteur de la jeunesse, firent que Moeren et ses compagnons furent reçus avec une bienveillance particulière par les habitants et par le sire Roland.
Lorsque le blond Moeren rencontra la belle Maria aux cheveux noirs ébène, fille unique du sire…
Le sire Roland de Mont Haguez était un homme habituellement dur et ne rêvant que haches d’armes, lances, fortes épées, casques et cuirasses. Pourtant le comte recevait Moeren avec une cordialité et une affection motivée sans doute par l’admiration que Moeren se plaisait à exprimer pour la salle d’arme que possédait le sire. La légende dit, sans l’affirmer bien positivement, que peut être les fréquentes visites du jeune Scandinave avaient un motif autre que celui d’écouter les longs récits des prouesses du paladin (chevalier à haut grade). La légende dit que le sire Roland avait une fille unique et chérie, la belle Maria, dont les beaux cheveux noirs comme l’ébène, la peau blanche comme l’ivoire, et la voix douce et enchanteresse comme les accords d’un luth, semblaient avoir fait sur le cœur du blond Moeren une impression profonde, impression dont le comte ne s’était pas aperçu, mais qui n’avait pas échappé à la pénétration de ses vassaux, qui souvent, en voyant Moeren accompagner à la promenade sire Roland et sa fille, se disaient entr’eux « quel dommage que ce beau jeune homme soit un Païen ! »
La secrète bénédiction nuptiale par Saint Clair..
La légende parle d’une visite que Maria, accompagnée de sa nourrice Madeleine, avait faite dans la forêt de Nacqueville, à une chapelle desservie par un Saint Ermite nommée Saint Clair, dont la piété était alors célèbre dans cette contrée. On disait que l jeune Danois s’était, ce jour-là, dirigé vers cette même chapelle, et que là, des mains du pieux ermite, ils avaient tous les deux reçu la bénédiction nuptiale. Mais on ne parlait de cela que tout bas, et avec une sorte de mystère.
Le comté de Cherbourg incendié par les Scandinaves vers l’an 851.
Une année s’écoula et vers l’an 851, le comte sire Roland appris tout d’un coup qu’avec plus de fureur que jamais, et sans épargner qui que ce fût, les Scandinaves recommençaient leurs ravages, et que son ami le comte de Cherbourg implorait son assistance. Le sire s’empressa de venir à son secours avec l’élite de ses hommes d’armes. Malgré sa réactivité, il arriva trop tard et trouva le comté de son ami tout dévasté, la ville, le château. Le comte de Cherbourg ainsi que ses vassaux étaient tombé à l’ennemi après une vigoureuse résistance.
Retour vers Si Germain des Vaux en urgence
Quelques débiles vieillards qui, dédaignés par le vainqueur, restés seuls au milieu des cendres de leurs habitations, où ils semblaient, dans leur désespoir, attendre une mort que la famine rendait inévitable, donnèrent à sire Roland des détails sur la défaite de son ami (le comte de Cherbourg). Il s lui apprirent en outre que les Normands venaient de s’embarquer, et qu’une partie de leurs nefs avaient, au lever du soleil, cinglé vers les ports de la Hague. Epouvanté de cette nouvelle, le Comte alors craint pour ce qu’il a de plus cher. Il s’empresse de regagner son château pour le défendre, en repousser l’ennemi, ou y trouver un trépas glorieux en s’ensevelissant sous ses ruines. Plein de funestes pressentiments il hâtait sa marche, pressant ses soldats dont l’ardeur belliqueuse n’aspirait qu’à se mesurer contre les Normands. Plût au ciel que les Neustriens (royaume Franc du Nord Ouest de la France) et tous les français eussent eu alors le même courage que nos montagnards du Cotentin !
Un combat terrible mais les Scandinaves battent en retraite
Après une marche forcée de deux heures, le Comte et ses soldats parvinrent sur les hauteurs de Digulville (un des points les plus élevés de la côte à 4 lieues de Cherbourg), d’où ils pouvaient découvrir le château de Mont – Haguez, et quelques uns des populeux villages qui l’avoisinaient, et dont jusque là il avait toujours été le protecteur assuré. Vingt barques Normandes occupaient le petit Havre de Plainvic ; le château paraissait intact : mais bientôt des cris lointains et confus attirèrent les regards vers le village le plus voisin du château, et des tourbillons de fumée offrirent alors aux regards le commencement d’un affreux désastre. Bientôt aussi on découvrit la troupe des pirates : ils sortaient du village devenu la proie des flammes ; poursuivis par une troupe de paysans armés, ils emmenaient des troupeaux. La retraite des Normands se faisait en bon ordre. Ils semblaient vouloir regagner le havre où étaient leurs nefs.
Sire Roland descend alors de la colline pour gagner le rivage de la mer, et tâcher d’arriver au havre de Plainvic avant les Normands, de leur arracher leur butin et de venger ainsi l’incendie des possessions de ses vassaux.
A l’arrivée de Comte et de ses hommes d’armes, déjà les pirates se disposaient à partir ; les uns embarquaient le butin, consistant surtout en troupeaux, tandis que les autres repoussaient les attaques des paysans qui s’étaient acharnés
A leur poursuite. La présence inattendue du Comte changea tout à coup la face du combat, auquel les Normands semblaient attacher si peu de prix que la moitié d’entr’eux n’y prenaient point de part ; mais soudain attaqués vigoureusement par le Comte, ils furent contraints d’appeler tous leurs camarades à leur aide, et, peu inquiets de leur butin, ils ne songèrent plus qu’à combattre un ennemi qu’alors ils reconnaissaient digne d’eux. Le combat fut terrible et acharné de part et d’autres. Le comte se battait comme un jeune guerrier. Des renforts lui arrivaient de toutes parts et les pirates allaient être accablés par le nombre et la valeur tout à la fois, quand un de leurs chefs donna le signal de la retraite en frappant sur une des bosses de son bouclier. Alors les Scandinaves se rembarquent en se défendant avec courage et en ordre, chantant une de leurs sagas dont le refrain « Un brave doit attaquer un ennemi seul, se défendre contre deux, ne pas céder à trois, mais sans honte il peut fuir devant quatre », peint bien, selon nous, le vrai courage qui caractérisait alors la race scandinave et qui semble encore de nos jours le caractère et la bravoure de leurs descendants.
C’est à ce moment là que le jeune Moeren, blessé, rembarque dans son drakkar en laissant sur la plage le fruit de ses amours Haguaises.
Les nefs normandes s’éloignent rapidement du port de Plainvic, abandonnant sur le rivage tout leur butin et les corps de quelques uns de leurs camarades qui avaient péri dans le combat.
Retour au château et trouve sa fille Maria en pleurs…
Le comte, inquiet sur le sort de sa fille, et pressé d’aller lui apprendre sa victoire, laisse ses vassaux recueillir les objets que les pirates leur avaient enlevés, et il se rend en hâte au château de Mont – Haguez. Il le trouve presque désert ; car les hommes d’armes laissés pour sa garde, voyant le combat qui se livrait sous leurs yeux sur les bords de la mer, étaient sortis du château pour y prendre part ; et maintenant ils étaient encore ou sur le champ de bataille ou au village voisin, tâchant d’éteindre les restes de l’incendie. Le comte se rend à l’appartement de sa fille. Des lamentations, des sanglots profonds, des cris de désespoir frappent ses oreilles. A l’arrivée de son père Maria s’évanouit dans les bras de sa nourrice qui elle-même en proie au plus violent désespoir, s’écrie : «Ah ! Sire Roland, j’ai tout perdu … Ils m’ont enlevé … La maison que vous m’aviez fait construire, les barbares l’ont détruite en cendres … Et … ». De profonds sanglots l’arrêtent.
Tout d’en coup, un enfant abandonné par les Normands sur la plage retient l’attention du sire Roland…
Le comte, qui croit que sa fille et sa nourrice sont sous l’influence de la peur des ennemis, s’empresse de leur raconter sa victoire et qu’il vient de forcer les Normands de fuir. Maria, à la voix de son père, a rouvert les yeux ; mais hélas ! Ce n’est que pour faire entendre des paroles sans suite et inexplicables pour le comte. Sire Roland ne sait plus comment s’y prendre pour les consoler.
Enfin, son nom qu’il entend prononcer par plusieurs voix dans la cour du château vient fort à propos détourner son attention. Il va ouvrir une fenêtre donnant sur la cour et demander ce qu’on lui veut. – Voici, lui répond un de ses vassaux, un enfant que les Normands avaient abandonné sur le rivage. On ne peut découvrir à qui il appartient. Le comte qui ne se trouve nullement à sa place à consoler deux femmes, s’empresse de descendre dans la cour. Pour Maria et sa nourrice, ces mots : Voici un enfant, les ont fait tressaillir, et leur désespoir s’est apaisé comme par enchantement. Sire Roland, descendu dans la cour, s’approche d’une femme qui portait l’enfant dans ses bras. Celui-ci sourit au comte, lui tend ses deux petites mains comme pour le caresser et implorer sa protection. Ces gestes si simples et si naturels aux enfants attendrissent le paladin ; il embrasse cette innocente créature dont la layette semblait annoncer des parents plus riches qu’aucun de ses vassaux ; il le prend dans ses bras et court le porter à sa fille et à Madeleine, dans l’espoir de faire diversion à leur douleur.
Recueilli comme étant l’enfant du miracle par le sire Roland
Maria et sa nourrice se disposaient à aller rejoindre sire Roland dans la cour du château, quand il vient avec empressement leur présenter l’enfant. Elles passent alors du plus affreux désespoir à la joie la plus folle : elles arrachent en quelque sorte l’enfant des mains du comte pour l’accabler tour à tour des plus vives caresses : elles se font vingt fois raconter la manière dont cet enfant a été trouvé sur le rivage. « Après le combat », dit un des paysans, comme tous les objets enlevés par les pirates étaient à peu près retrouvés, et que nous nous disposions à abandonner la grève de Plainvic, les cris et les vagissements d’un enfant se font entendre entre les rochers que la mer montante entourait déjà de ses ondes. Nous courons alors de ce côté et nous apercevons avec étonnement cet enfant dans un berceau soulevé par la vague et prêt à le laisser aller en dérive. Nous nous sommes empressés de l’arracher à une mort qui quelque instants plus tard, était inévitable, et personne ne l’ayant réclamé, nous sommes venus l’apporter au château ».
Ce que Dieu garde est bien gardé, ce que Di gard est bien gardé, dieu te garde !
Eh bien, mes amis, n’a-t-on pas raison de dire que ce que Dieu garde est bien gardé ? (Dans le langage du temps, on disait : ce que Di gard est bien gardé). Puisque personne ne réclame cet enfant si miraculeusement sauvé, je veux lui servir de père. Pour toi, bonne Madeleine, tu lui prodigues des caresses de si bon cœur, que je ne te demande pas si tu veux lui servir de nourrice ». Ah ! Sire Roland, vous avez bien raison, ce que Di gard est bien gardé », répond-elle avec empressement. « […] Oh ! Cher enfant, je ne te quitterai plus qu’avec la vie. Oui, ce que Di gard est bien gardé », répéta telle encore plusieurs fois.
Le comte laisse sa fille et la bonne Madeleine prodiguer les soins et les caresses à l’orphelin qu’il venait d’adopter : ennemi généreux, il ne veut pas laisser sans sépulture ceux des pirates qui sont morts en combattant, et il donne ses ordres afin que le lendemain on célèbre leurs funérailles. Leur tombe, selon la coutume scandinave, s’éleva sur les bords de la mer. On fait voir à l’est du havre de Plainvic une tombelle que l’on assure recouvrir les cendres des Normands tombés dans ce combat. Un bloc de granit planté verticalement sur cette tombe, rappelle les pierres grisâtres qui s’élevaient sur la tombe des héros d’Ossian.
Depuis ce jour que sire Roland repoussa si valeureusement les Normands, dix sept ans se sont écoulés et des événements bien désastreux ont désolé la malheureuse Neustrie. Le Cotentin n’a pas été plus épargné que le reste de cette province. Châteaux forts qui devaient protéger les citoyens de toutes classes, élevés par l’inutile prévoyance d’un grand monarque, ainsi que de frêles roseaux, vos tours majestueuses ont incliné leurs fronts superbes au passage de ce terrible ouragan fondant sur vous du Septentrion ! Et vous pieux asiles de la science, de la philanthropie et de l’austérité, monastères construits et richement dotés par nos religieux ancêtres, ainsi que les redoutables citadelles, vous ne présentez plus que des amas de cendres et de ruines. Savant monastère de Nanteuil, riche abbaye du Ham, pieuse retraite de Malduin, vous tous, châteaux hospitaliers de Montebourg, Garillant, Méliant, Mont-Haguez, et tant d’autres lieux dont les noms à peine sont parvenus jusqu’à nous, le pèlerin, le voyageur, ne peuvent plus aller frapper à vos portes hospitalières, quand la nuit les a surpris : aussi il n’y a plus de pèlerin qui aille visiter les saintes reliques, plus de marchand forain apportant les riches tissus, les brillantes pierreries et les parfums de l’Orient. Nulle part on ne voit de champs cultivés : le fer et la flamme ont dévoré jusqu’à la plupart de ces majestueuses forêts (07), témoins, dix siècles auparavant, des rites mystérieux des Druides.
Les bêtes fauves, quelques animaux domestiques rendus à l’état sauvage par la disparition de leurs maîtres, de loin à loin et cachés dans les plus sombres retraites, quelques vieillards succombant sous le poids de la misère, un petit nombre de femmes et d’enfants dont la faim et les privations de toute espèce ont décomposé les traits, sont maintenant les seuls habitants de ce pays, jadis si riche et si populeux.
Tel était le spectacle qu’offraient nos contrées quand Charles le Simple céda la Neustrie au norvégien Rollon, dont le christianisme s’était chargé d’adoucir les mœurs barbares. Cet état de désolation avait sans doute beaucoup contribué à rendre sombres et mélancoliques les traits d’un cavalier normand qui, monté sur un vigoureux coursier, par une belle matinée de printemps, arrivait au château de Mont-Haguez qui, comme nous l’avons déjà dit, n’offrait plus que des ruines.
Quand Moeren retrouva le sire Roland
Notre cavalier qui paraissait connaître parfaitement ces lieux, descendit de son cheval et
parcourut rapidement l’intérieur de l’enceinte du château ruiné : mais personne ne s’offrit à ses regards. Alors sa physionomie prit une expression de douleur et d’accablement ; des soupirs s’échappaient de sa poitrine et des pleurs mouillaient ses joues vermeilles. Enfin, au détour d’un des angles de l’enceinte extérieure, il aperçut, assis sur un carreau de granit et le dos appuyé contre un pan de muraille, un vieillard aveugle qui, sous les haillons
de la misère, conservait encore une sorte de dignité. L’étranger l’aborda précipitamment.
Vieillard, lui dit-il, daignez m’apprendre ce que sont devenus les maîtres de ce château. Qui m’adresse cette question ? répond le vieillard. Est-ce qu’il se trouve maintenant quelqu’un portant intérêt à celui qui fut le maître de cette demeure avant qu’elle ne fût réduite en ruines qui n’ont plus besoin de Maître ? Je ne le pensais pas : mais qui que vous soyez, vous, dont la voix ne m’est pas inconnue et reporte mes souvenirs au temps où commencèrent mes malheurs, vous voyez en moi celui qui commanda dans ce château, gouverna cette contrée et en protégea les habitants tant de ses bras et ses yeux lui prêtèrent leurs secours, mais qui dut succomber quand le nombre l’accabla et que ses forces l’abandonnèrent ».
Eh ! Quoi, s’écrie l’étranger avec un accent où la joie, la douleur et l’inquiétude semblaient se confondre, vous seriez sire Roland ? De grâce, comte, hâtez-vous, je vous en supplie, de répondre à une question. Un jour que, vous devez vous en souvenir, vous repoussâtes si vigoureusement une troupe de Scandinaves débarqués dans un de vos ports, n’avez-vous pas trouvé un jeune enfant abandonné sur le rivage ? Qu’est-il devenu ? Vit-il encore ? Ou … son père aurait-il été cruellement puni d’avoir voulu ravir un enfant à la tendresse de sa mère ? ».
Etranger », répond le comte, cet enfant a été sauvé ; il vit, et c’est mon fils : car c’est à son courageux dévouement que je dois d’avoir survécu à la ruine de ma demeure et à la dévastation de cette contrée. Mais vous, daignez à votre tour m’apprendre comment vous savez mon nom, que je ne croyais plus connu de personne dans l’univers, et pour quel motif vous portez un si vif intérêt à celui que j’ai adopté pour fils ».
Une explication de l’abandon du bébé
Vous n’avez peut-être pas
oublié, répondit l’étranger, le nom de Mœren, ce jeune Scandinave qui autrefois reçut l’hospitalité chez vous ; eh bien ! je suis ce Mœren, qui, abusant des droits et manquant aux devoirs que m’imposait une secrète union, ratifiée par un ministre du Dieu des chrétiens voulus enlever à une mère le fruit de notre mutuel amour. Je l’emportais dans mes bras, à la faveur du désordre causé par notre apparition soudaine ; cet enfant que vous m’annoncez vivre encore, quand une flèche, lancée par un de vos gens, me blessa dangereusement. Mes soldats furieux s’abandonnèrent alors à toute la rage de la vengeance, et moi, ayant perdu connaissance, je fus transporté à bord de mon vaisseau où je ne repris mes sens que pour me livrer au désespoir en apprenant la défaite de mes soldats et l’abandon sur le rivage de ce que j’avais de plus cher dans l’univers. Mais hélas ! La mère de mon fils, celle que j’avais le droit de nommer mon épouse, et dont je tremble de prononcer le nom, votre fille … Maria … ».
A ce nom le vieillard, déjà vivement ému, pousse de profonds soupirs ; des larmes s’échappent de ses yeux, qui ne sont plus destinés que pour cet usage. Mœren, suffoqué par de douloureux sanglots, se précipite aussitôt dans les bras du vieillard, et tous deux, se
serrant étroitement, s’arrosent de larmes abondantes. Tout à coup paraît un grand jeune homme, à la chevelure blonde et ondoyante : il est interdit d’un spectacle inexplicable pour lui. Le vieillard, qui à reconnu sa voix, s’écrie en sanglotant : ton père, ô mon fils !
Le jeune homme, chez qui sans doute alors la voix secrète de la nature se fait entendre, se précipite spontanément dans les bras de Mœren. Alors leurs pleurs et leurs baisers se confondent : on n’entend plus que ces mots : mes enfants … mon fils … mon père … Oh ! Ne nous séparons plus ! ».
Cependant les Normands que Mœren avait laissé à quelque distance des ruines du château, inquiets de ne le voir point réapparaître, s’étant rapprochés, vinrent par leur présence mettre fin à cette scène d’émotions causées tout à la fois par le plaisir, la joie et
les souvenirs de douleur. Après ces premiers épanchements du coeur, Mœren apprit du vieux comte, en versant des torrents de larmes, la mort de Maria ; elle avait depuis dix ans succombé à des chagrins secrets ; il donna aussi des détails sur la ruine du château de Mont-Haguez et le massacre des paysans du canton, il y avait deux ans ; et le voile mystérieux qui semblait cacher impénétrablement la naissance du fils adoptif du vieux comte fut aussi tout à fait soulevé.
Mœren fit connaître à son tour à sire Roland la cession de la Neustrie que le roi de France, Charles le Simple, venait de faire à Rollon. Dans le partage que ce chef en avait fait entre les officiers et les soldats de son armée, Mœren avait demandé et obtenu le pays où se trouvaient des lieux qui lui rappelaient de touchants souvenirs, et qui peut-être renfermaient encore les objets de ses constantes affections. Maintenant rien, si ce n’est le souvenir de celle qui n’était plus, ne devait troubler leur existence ; car tout faisait présager que ses contrées, si longtemps malheureuses, allaient être désormais tranquilles. Sire Roland, dans le nouveau château que Mœren fit élever, quoiqu’il regrettât quelquefois
l’éclat dont brillaient, dans sa première jeunesse, les paladins de Charlemagne, ne tarda pas pourtant à préférer le sage et fort gouvernement de Rollon à la faiblesse et à l’ineptie des derniers Carlovingiens.
Notre légende nous apprend que Mœren, ainsi que la plupart des chefs normands, qui avec Rollon embrassèrent le christianisme, alla au bout de quelques années finir ses jours dans un monastère ; que son fils devenu un des plus puissants barons du nouveau duché de Normandie conserva pour devise, par un souvenir pieux, ainsi que ses descendants, ces mots prononcés par son aïeul, lorsqu’il avait été sauvé miraculeusement des flots : « Ce que Di gard est bien gardé » et que dans les combats, « Di gard » était le cri de guerre de ses gens d’armes.
Le dernier des petits-fils de Mœren périt en Palestine, ayant accompagné le roi Richard dans son aventureuse croisade. Son fief, par l’absence d’héritier en ligne masculine, rentra dans le domaine ducal ; mais les hommes de ce fief conservèrent le nom et la devise de leurs anciens barons, et c’est de là que plusieurs familles de ces vassaux prirent, (quand vint l’usage des noms de famille auxquels, excepté les Romains, aucun peuple de l’antiquité n’avait songé), le nom de Digard si commun encore de nos jours dans les deux ou trois communes du nord du département de la Manche et surtout à Saint-Germain-des-Vaux.
Et vous, connaissez-vous la signification de votre nom de famille ?
Que pensez-vous de cette histoire ?Sources utilisés :Une famille normande à travers 1000 ansMémoires de la société académique de Cherbourg – Le château de Mont – Haguez p 357 à 379 |
Jérôme
Comment retrouver l’origine du nom « GERMAIN »
où trouver ce livre d’une famille normande à travers 1000ans?
Cordialement
Roselyne
Bonjour, pour retrouver l’origine du nom de famille Germain plusieurs solutions : soit aller au centre onomastique de Paris aux Archives Nationales de Paris, où il y a des dictionnaires des noms de familles (une personne s’occupe de ce service) voici le lien : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/onomastique.html
Sinon plus simple, il y a la définition donné par GENEANET : Ce nom français, qui correspond au catalan Germà, peut avoir deux significations. Soit il s’agit du nom de baptême Germanus (indiquant au départ une origine ethnique), soit du nom commun germanus (= frère). De toute façon, l’étymologie est la même dans les deux cas. C’est dans les Vosges et la Manche qu’il est le plus répandu. l’adresse : http://www.geneanet.org/nom-de-famille/GERMAIN
Egalement il est intéressant de connaître le lieu géographique où vos ancêtres les plus lointains vivaient et portaient ce patronyme.
On peut trouver le livre « Une famille Normande à travers 1000 ans » sur internet, j’ai mis un lien pour y accèder dans mon article, sinon voici le lien pour aller au sommaire du livre : http://le50enlignebis.free.fr/spip.php?article2849